500 000 euros (au moins) dépensés pour le rapt manqué d’Amir DZ
Chaque semaine, l’affaire de l’influenceur algérien Amir Boukhors, alias « Amir DZ », semble livrer de nouveaux éléments édifiants. Alors que l’enquête judiciaire se poursuit en France et que la délivrance imminente de mandats d’arrêt vise désormais deux diplomates algériens, un nouveau volet du dossier vient de lever le voile sur l’ampleur des moyens financiers engagés pour tenter de faire taire le célèbre youtubeur, devenu l’obsession présidentielle d’Alger.
Il n’est pas possible qu’une somme de plus de 500 000 euros soit mobilisée si derrière cette opération, il n’y avait pas les moyens d’un État.
Dans cette affaire, scandale d’État, la justice française a déjà mis en examen neuf personnes dans le cadre de l’enquête ouverte pour enlèvement, séquestration et tentative d’homicide contre le cyber-activiste, connu pour ses prises de position virulentes contre le régime d’Abdelmadjid Tebboune. Sept d’entre elles sont actuellement détenues, deux autres placées sous contrôle judiciaire. En plus de deux commanditaires (les diplomates), aujourd’hui en fuite.
C’est toute l’architecture d’une opération clandestine orchestrée par les services algériens sur le territoire français qui se dessine au fil des investigations. Selon nos informations, pas moins de douze individus (dix hommes et deux femmes) sont impliqués dans cet enlèvement qui devait aboutir à l’élimination physique – c’est en tout cas la conviction de nos sources – d’Amir DZ.
Les enquêteurs sont aujourd’hui en mesure de reconstituer, de manière précise, le budget de cette opération. Et les chiffres donnent le tournis : chaque membre du commando aurait perçu 50 000 euros pour sa participation. Une enveloppe rondelette qui tranche singulièrement avec les modes opératoires plus discrets que l’on prête habituellement aux services spécialisés. Quant aux deux femmes, dont les fonctions restent, à ce stade, qualifiées de « mineures », elles auraient chacune touché 1 000 euros. Une prime modeste étant donné qu’elles devaient seulement veiller sur la victime alors qu’Amir DZ était inconscient en raison de fortes doses de drogue administrées de force par ses ravisseurs.
Selon les derniers éléments de l’enquête, deux diplomates algériens aujourd’hui en fuite, Salah-eddine Selloum, premier secrétaire à l’ambassade d’Algérie à Paris, et Mohamed Bouaziz, consul adjoint au consulat d’Algérie à Créteil, seraient les véritables maîtres d’œuvre de l’opération.
Initialement, les policiers avaient cru que la saisie de 50 000 euros en numéraire, découverte lors de la perquisition du domicile de l’un des suspects, constituait le montant total de l’opération. Une hypothèse aujourd’hui battue en brèche : les investigations ont révélé que le montant global engagé avoisine, en vérité, au minimum 502 000 euros.
D’où provenait cet argent ? Les éléments réunis par les enquêteurs pointent sans ambiguïté vers la caisse noire gracieusement alimentée de l’ambassade d’Algérie à Paris. Quand on a du gaz, on ne compte pas ! Surtout lorsqu’il est question d’accéder aux desideratas d’un président totalement fou, déterminé à « récupérer » coûte que coûte un youtubeur gênant.
Selon les derniers éléments de l’enquête, deux diplomates algériens aujourd’hui en fuite, Salah-eddine Selloum, premier secrétaire à l’ambassade d’Algérie à Paris, et Mohamed Bouaziz, consul adjoint au consulat d’Algérie à Créteil, seraient les véritables maîtres d’œuvre de l’opération. Les deux hommes, exfiltrés vers l’Algérie au lendemain de l’échec de l’enlèvement, devraient prochainement faire l’objet de mandats d’arrêt internationaux.
Comme nous l’annoncions dans un précédent article, une réunion entre les magistrats du parquet national antiterroriste (PNAT) et le juge d’instruction est prévue dans les jours à venir pour affiner la stratégie judiciaire. Car l’ambition des enquêteurs est désormais claire : remonter toute la chaîne de commandement et identifier le commanditaire suprême de cette affaire tentaculaire.
En tout état de cause, nous pouvons désormais nous avancer encore davantage : il n’est pas possible qu’une somme de plus de 500 000 soit mobilisée si derrière cette opération, il n’avait pas les moyens d’un État. De manière naturelle, les regards se tournent de plus en plus ostensiblement vers le général Fethi Rochdi Moussaoui, ancien chef de poste de la DGDSE à Paris, soupçonné d’avoir supervisé l’opération. Et, par extension, vers le palais d’El Mouradia lui-même, où, selon plusieurs sources concordantes, l’initiative aurait été directement validée par le président Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier, dont le nom revient avec insistance dans les couloirs judiciaires, reste pour l’heure muré dans le déni, tout comme l’appareil d’État algérien. Après chaque article de presse relatant les avancées de l’enquête, le régime algérien se confine dans une attitude de repli, préférant parler de « complot », de « sionisme » et « d’extrême droite ». En vérité, il n’y a rien de tout cela, mais seulement un travail judiciaire minutieux qui, chaque jour, fait découvrir l’ampleur de cette affaire et le niveau d’implication du régime algérien au plus haut niveau.
En attendant, à Paris, la justice française poursuit son travail avec une détermination intacte. « La justice ira jusqu’au bout, j’en suis convaincu », nous confiait un haut cadre impliqué dans ce dossier.
Reste une question que l’enquête n’a pas encore totalement élucidée : comment une telle opération, menée avec autant de moyens et d’acteurs sur le sol français, a-t-elle pu être conçue avec un tel amateurisme ? Le demi-million d’euros déboursé par les officines algériennes aura suffi à mobiliser un commando… mais pas à masquer ses traces. Ni à empêcher les ratés en cascade qui, aujourd’hui, exposent au grand jour les méthodes pour le moins rustiques de la machine répressive algérienne.
En attendant, à Paris, la justice française poursuit son travail avec une détermination intacte. « La justice ira jusqu’au bout, j’en suis convaincu », nous confiait un haut cadre impliqué dans ce dossier. Du côté algérien, certaines voix proches du régime qui pensent que la justice française est aux ordres à l’image de la justice algérienne, espèrent, à demi-mots, « une intervention de l’Élysée ». Une source nous confiait qu’il « ne faut rien écarter, même pas la convocation du général Moussaoui », ajouta nt que « c’est le dossier judiciaire qui va dicter les actions à mener, non pas des considérations politiques ou diplomatiques ».
Ce feuilleton judiciaire relatif à l’affaire Amir DZ est loin d’être clos. Il risque, dans les semaines à venir, d’apporter de nouvelles secousses à une relation franco-algérienne déjà passablement fragilisée.
